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15/10/2018
Avec Blindspotting, Carlos Lopez Estrada joue avec la langue anglaise de façon trop subtile pour moi : le rap est souvent utilisé par l'un des personnages et je suis certain que le film doit être encore plus apprécié par les spectateurs anglophones qui peuvent profiter complètement de la sonorité des dialogues. En attendant, les producteurs du film pourront en vouloir à ceux qui ont fait la bande-annonce car ce qui est montré dans ces 90 secondes est assez éloigné du climat général du film.

Collin est à 3 jours de la fin de sa liberté conditionnelle ? Rien que cette présentation, cela donne l'impression qu'il va se passer des choses extraordinaires pendant ces 3 jours et qu'il va devoir faire des choix cornéliens... ce qui n'est pas totalement faux mais loin d'être vrai ! L'histoire illustre de manière détournée les nombreuses affaires de "policiers américains blancs tuant des personnes noires" dans des situations plus que litigieuses.

Le film infuse lentement pour que le spectateur comprenne le (re)sentiment de Collin, celui d'être un bouc émissaire quoiqu'il arrive, celui de devoir payer pour d'autres, ... Si Collin ne nie pas ses erreurs passées, il rage devant toutes celles qu'on veut lui faire faire. Du même quartier, avec la même enfance, ces deux potes d'enfance nous montrent qu'on ne peut nier que la couleur de peau influence la vie de nombreux Américains.

Dans un pays qui a vu Martin Luther King faire bouger les choses dans les années 60-70, que reste-t-il de ces luttes pour les droits civiques 50 ans plus tard ? Une pseudo égalité qui va avec l'image que les Américains aiment transmettre (le pays ou chacun peut réussir, celui des self-made-men), qui aime faire la leçon a ses voisins et alliés, mais qui ne semble jamais se remettre en cause alors que l'on entend que le nombre de personnes qui doivent faire 2-3 boulots pour s'en sortir, ceux qui ont tout perdu dans la crise des subprimes, ceux qui se font shooter comme des lapins sans que les policiers concernés ne risquent pas grand-chose...

Blindspotting est un camouflet à l'Amérique immaculée d'Obama, il réussit d'autant mieux son coup qu'il avance masqué et si le film souffre de quelques défauts (la subtilité n'est pas toujours de mise et il a quelques longueurs), il monte en puissance tout au long de la séance et laisse le spectateur avec ses interrogations, son envie d'en discuter avec le voisin et la sensation d'avoir vu un film bien plus intéressant que ne le laissait supposer son pitch de départ. Bref, si vous n'êtes pas contre les bonnes surprises, laissez vous tenter, vous ne le regretterez pas !
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